Les émotions nous envoient des messages et nous poussent à l’action, exactement comme notre cerveau le faisait lorsque nous étions des hommes et des femmes de cro-magnon.
Grâce à l’imagerie médicale nous pouvons aujourd’hui confirmer ce que les émotions de bases provoquent dans notre corps et notre cerveau :
La colère
fait afflué le sang dans les mains ce qui nous permet de se défendre de l’ennemi, et une sécrétion d’adrénaline libère l’énergie nécessaire à une action vigoureuse.
La peur
dirige le sang vers les muscles des jambes, ce qui nous prépare à la fuite, les centres émotionnels du cerveau sécrète des hormones qui mettent le corps en état d’alerte générale et fixe l’attention sur le danger.
Le bonheur
ne produit pas de modification physiologique particulière, mais le corps se remet plus facilement des effets des contrariétés et génère un ralentissement des centres générateurs d’inquiétude. Nous avons des buts plus variés et un empressement à accomplir les tâches.
L’amour
engendre un ensemble de réactions corporelles de calme et de contentement propice à la coopération. Cette excitation parasympathique est l’inverse des réactions de colère ou de peur qui induisent la fuite ou le combat.
La surprise
provoque un haussement des sourcils qui élargit le champ visuel et accroît la quantité de lumière atteignant la rétine pour avoir davantage d’information, évaluer la situation et choisir la meilleure attitude face à l’événement.
Le dégoût
se manifeste par la même expression faciale, la lèvre supérieure se retrousse et le nez se plisse comme pour fermer les narines à une odeur désagréable ou recracher un aliment toxique.
La tristesse
provoque une chute d’énergie et un manque d’enthousiasme pour les distractions et les plaisirs, avec un ralentissement du métabolisme en cas de dépression. Cette perte d’énergie aurait obligé les individus de rester dans leur gîte donc en sécurité.
De nombreuses contraintes de la vie de l’époque des cromagnons ont donné une dimension de survie à nos réactions émotionnelles.
Aujourd’hui l’utilité de nos émotions est un peu différente, elles nous envoient des messages que nous pouvons écouter et elles nous indiquent très rapidement dans quel état nous nous sentons. La colère peut nous signifier une situation d’injustice ou une menace. La peur peut nous montrer qu’il y a un risque de danger.
Avoir une réaction passionnée et disproportionnée peut nous mettre dans l’embarras ou en créer à d’autres. Notre côté rationnel prend ensuite sa place et nous pouvons alors réfléchir aux différentes options qui s’offrent à nous.
Ainsi Daniel Goleman distingue nos « deux esprits » :
Notre esprit rationnel est le mode de compréhension dont nous sommes plus conscients et qui est « plus pondéré et réfléchi ».
Notre esprit émotionnel est un système de connaissance plus « impulsif, puissant et parfois illogique ».
L’esprit rationnel/l’esprit émotionnel correspond à la distinction que l’on fait entre la tête et le cœur, qui n’ont parfois pas le même discours.
« Quand on sent au fond de son cœur qu’une chose est vraie, elle relève d’un degré de conviction différent, presque plus profond, de celui que nous procure l’esprit rationnel : plus un sentiment est intense, plus l’esprit émotionnel domine et plus le rationnel perd de son efficacité ».
« Le plus souvent le fonctionnement de ces deux esprits est finement coordonné ; les sentiments s’avèrent essentiels à la pensée, et la pensée aux sentiments ».
Pour ne pas laisser notre esprit émotionnel prendre le pas sur notre esprit rationnel et se laisser contrôler par nos impulsions, il existe plusieurs pistes :
La prise de conscience de soi : identifier et comprendre ce que nous ressentons, faire la différence entre l’émotion et l’action,
Renforcer son estime de soi : évaluer correctement sa valeur pour relativiser l’intensité des émotions,
La gestion de soi : contrôler son impulsivité, avoir un comportement responsable, faire preuve d’adaptabilité aux changements,
Développer son empathie : comprendre les émotions des autres,
La gestion des relations interpersonnelles : gérer les conflits, favoriser la coopération,
Grandir sa confiance en soi : évaluer positivement ses actes, suivre ses valeurs.
Comment le passé peut prendre autant de place dans le présent ?
Ou le rôle de l’esprit émotionnel et l’esprit rationnel dans nos perception de nos émotions
Selon Paul Eckman dans Emotions Revealed: Recognizing Faces and Feelings to Improve Communication and Emotional Life le moment le plus intense d’une émotion ne dure que quelques secondes.
Les émotions nous servaient à réagir vite face aux dangers. Ainsi, aujourd’hui si notre attitude est conditionnée par nos émotions plus longtemps que ces quelques secondes, alors nous nous laissons dominer par elles et il y a des risques que nos actions ne soient pas adaptées à la situation.
Dans L’Intelligence émotionnelle pour Daniel Goleman ce qu’il appelle l’esprit rationnel prend le relais et nous permet d’évaluer toutes les options de réaction que nous avons.
L’esprit émotionnel est la première impulsion, ce qui vient du cœur, l’esprit rationnel est ce qui vient de la tête et est de l’ordre des pensées. Il met plus de temps à percevoir et à réagir, ce sont « des émotions produites par des pensées » dit Daniel Goleman.
D’où qu’elles viennent nos émotions s’imposent à nous. Ce que l’esprit rationnel nous permet c’est de contrôler le cours de nos réactions.
La logique de l’esprit émotionnel est associative
« elle considère que les éléments qui symbolisent une réalité, ou le souvenir de celle-ci, équivalent à la réalité elle-même » écrit Daniel Goleman. Les métaphores, le cinéma et le théâtre, la publicité, parlent directement à l’esprit émotionnel. Dans les religions les enseignements sont transmis par des paraboles. Freud appelait cette logique le processus primaire de la pensée et la méthode analytique consiste majoritairement à déchiffrer ces valeurs symboliques.
L’important est donc la façon dont les événements sont perçus. « Ce que nous rappelle une chose peut être beaucoup plus importante que ce qu’elle est ». L’esprit émotionnel manque de discernement et ce mode de pensée s’auto justifie en écartant les faits qui ne vont pas dans le sens de ses convictions, par contre il utilise les faits qui lui donnent raison et établit des vérités. Il est ainsi très difficile de faire changer d’avis une personne émotionnellement perturbée, même si les arguments sont probants.
L’esprit rationnel établit des liens logiques
entre les causes et les effets, se fondent sur des faits objectifs. Ses convictions sont plus fragiles car elles peuvent être remises en question par toute information nouvelle.
Quand un événement évoque un souvenir à forte charge affective, les sentiments associés à ce souvenir sont réveillés et poussent à réagir. Dans « Emotional competence » Caroline Saami dit clairement que l’esprit émotionnel réagit au présent … « comme s’il était dans le passé ». Une réaction adaptée ou non à une situation passée a de grands risques d’être inadaptée face à une situation du présent.
Ne pas maîtriser ses réactions après une émotion vive peut provoquer chez notre interlocuteur les émotions de surprise, de peur et de colère avec la sensation d’être attaqué et nous mettre dans des situations successives d’incompréhension et de conflit. Même quand nous avons l’impression de réagir à la situation présente, nous sommes influencés par l’expérience passée, telle que nous l’avons vécu. Nous fabriquons différentes réactions à des situations données et créons un répertoire que nous utilisons à chaque occasion. C’est pour cette raison qu’il est difficile de modifier soi-même, de manière durable, notre mode réactionnel. L’esprit émotionnel prend le pas sur l’esprit rationnel.